Le cœur a ses raisons…que l’intelligence (même artificielle) ne connaît pas

L’Intelligence Artificielle (IA) peut être une formidable opportunité en permettant aux citoyens d’accéder à de meilleurs soins de santé, des modes de transport plus surs, ainsi que des services moins couteux, mieux adaptés à leurs besoins et munis d’une plus longue durée de vie.

Elle peut faciliter l’accès à l’information, l’éducation et les formations, mais aussi contribuer à rendre le milieu du travail plus sûr, puisque des robots peuvent être employés pour compléter des taches dangereuses, tout en créant de nouveaux emplois avec l’expansion des entreprises utilisant l’IA.

Cependant, l’IA a un côté obscur, inquiétant ; et même s’il ne faut pas fantasmer l’avenir au point de ne plus évoluer et rechercher, il faut être réalistes et prévoyants.

L’IA a le pouvoir de causer des dommages de toutes importances.

Les risques sont réels : atteinte aux droits fondamentaux et à la démocratie (« mathwashing » ; décisions judiciaires ou à l’embauche basées sur l’appartenance ethnique, le genre, ou l’âge ; « chambres à écho » sur le web, ne proposant à un individu que du contenu qui lui est agréable, au lieu de forcer la personne à confronter ses idées avec d’autres points de vue contraires, deepfakes) collecte de données menant à des distorsions de concurrence, déséquilibres face à l’accès à l’information, transformation adaptive de messages politiques ou commerciaux, manque de transparence (interlocuteur humain ou chatbot),

7 recommandations prioritaires

Un rapport a été remis au gouvernement français par la Commission de l’IA il y a une quinzaine de jours, contenant 25 recommandations pour que la France puisse tirer parti de cette révolution technologique et en saisir toutes les opportunités.

Cette commission est co-présidée par Anne Bouverot, présidente du conseil d’administration de l’ENS et Philippe Aghion, professeur au Collège de France et économiste.

La Commission formule 25 recommandations à destination des pouvoirs publics, parmi lesquelles 7 prioritaires si la France veut mener en Europe une dynamique d’appropriation collective et de déploiement du plein potentiel de l’IA :

1.            Créer les conditions d’une appropriation collective de l’IA et de ses enjeux en lançant un plan de sensibilisation et de formation de la nation.

2.            Investir massivement dans les entreprises du numérique et la transformation des entreprises pour soutenir l’écosystème français de l’IA et en faire l’un des premiers mondiaux.

3.            Faire de la France et de l’Europe un pôle majeur de la puissance de calcul, à court comme à moyen terme.

4.            Transformer notre approche de la donnée personnelle pour continuer à protéger tout en facilitant l’innovation au service de nos besoins.

5.            Assurer le rayonnement de la culture française en permettant l’accès aux contenus culturels dans le respect des droits de propriété intellectuelle.

6.            Assumer le principe d’une expérimentation dans la recherche publique en IA pour en renforcer l’attractivité.

7.            Structurer une initiative diplomatique cohérente et concrète visant la fondation d’une gouvernance mondiale de l’IA.

Retrouver ce rapport en cliquant ici

L’AI ACT européen : première mondiale

En juin 2023, le Parlement européen a adopté sa position de négociation sur la réglementation sur l’IA, « l’AI ACT », le premier ensemble de règles complètes au monde pour gérer les risques liés à l’IA…ce que le RGPD a été au traitement des données sensibles et a l’identité numérique.

En effet, les pays de l’UE sont déjà performants dans le secteurs de l’industrie numérique et les applications, mais une infrastructure numérique de haute qualité et un cadre légal qui protège la vie privée et la liberté d’expression permettraient à l’UE de devenir un leader mondial dans l’économie des données et ses applications.

La priorité du Parlement est de veiller à ce que les systèmes d’IA utilisés dans l’UE soient sûrs, transparents, traçables, non discriminatoires et respectueux de l’environnement.

Ce sont des défis, des outils, des problématiques qui sont au cœur de l’actualité, qu’on le veuille ou non.

Nous sommes à la croisée des chemins.

Ces sujets concernent évidemment le notariat, qui ne peut faire l’impasse parce qu’ils sont au cœur de l’évolution de nos sociétés actuelles.

Et en pratique, dans le notariat ?

Et qu’en est-il, en pratique, pour le notariat, expert de la pacification des relations juridiques et protecteur du consentement ?

Apres la clef Real (2000), l’acte authentique électronique en présentiel ou a distance  (2017-2020)…les nouveaux grands enjeux du notariat sont la gestion de données compilées et leur souveraineté.

Concrètement, l’entrée de l’IA dans les Offices conduira à s’interroger sur de nombreux sujets : la stratégie entrepreneuriale, l’intégration de ces technologies, la montée en compétence et culture IA des notaires, le choix de ses partenaires technologiques, le gain de temps du notaire et ses collaborateurs, puis l’investissement du temps gagné dans la valeur ajoutée du notariat, la souveraineté des données, la crédibilité et la confiance du notariat, la souveraineté du cloud, la dichotomie métier / tâche, l’incorporation de la donnée par le notariat et l’hyperpersonnalisation de la relation client (qui doit être sûre, fiable, globale)

Le forum Tech’not organisé par le Chambre des notaires de Paris au Cyber Camp le 04 avril a été passionnant et a ouvert des pistes de réflexion et de pratiques très intéressantes.

Terminant sur une note optimiste, le colloque Tech’not nous rappelle la différence entre l’homme et la machine : certes, la course à la supériorité intellectuelle est probablement perdue d’avance, l’arrivée des ordinateurs quantiques (qu’on ne finit pas d’annoncer) développera de manière exponentielle celle des machines, mais il y a aussi l’intelligence du cœur, celle qui perçoit les signaux faibles, celle qui s’attache au sens de la justice plutôt qu’à la justesse des comptes, cette valeur ajoutée que le notariat apporte ses actes authentiques : la relation d’un juriste humaniste avec ses clients en recherche de sérénité et d’écoute.

Nous avons la chance de percevoir une transformation en cours, qui aura des effets profonds sur notre génération.

Comme nous l’avons évoqué au cours du colloque du Mouvement Jeune Notariat – MJN sur le métavers en 2022, il nous faut nous former, démystifier, comprendre le fonctionnement de l’IA, ses interactions et ses potentiels avec notre profession, avec notre vie de citoyen, même.

Il faut nous y acculturer, entretenir l’esprit critique et nous rappeler ce que nous sommes pour que l’outil 🤖 ne dépasse pas le maître ❤️